11

 

 

Loup s’était glissé dans la foule, effleurant au passage les jambes des spectateurs mais s’éloignant avant qu’ils aient pu se rendre compte de ce qui les avait touchés. Si la plupart des Zelandonii connaissaient maintenant l’animal, sa vue suscitait encore parfois un sursaut ou un cri de frayeur. Il surprit même Ayla quand il apparut d’un coup, avant de s’asseoir devant elle et de lever les yeux vers son visage.

— Loup ! Te voilà. Je commençais à me demander où tu étais. Tu as sûrement passé la journée à explorer la région, dit-elle en le grattant derrière les oreilles.

Il se redressa pour lui lécher le cou et le menton puis posa la tête sur le giron de la jeune femme et parut apprécier ses caresses de bienvenue. Lorsqu’elle s’arrêta, il se coucha à ses pieds, détendu mais vigilant.

Galliadal, qui l’observait de la plate-forme, sourit.

— Ce spectateur inhabituel arrive à point nommé dans l’histoire, dit le conteur.

Puis il reprit la voix de la vieille Zelandoni :

— « Est-ce là ce que tu veux ? Être un chasseur-né ? – Exactement ! – Alors, viens dans ma grotte. »

Le ton de l’histoire passa de drôle à inquiétant.

— Dès que Loupal pénétra dans la grotte, il se sentit fatigué. Il s’assit sur une pile de peaux de loup et s’endormit aussitôt. Lorsqu’il se réveilla, il eut l’impression que son sommeil avait duré longtemps. La grotte était vide, sans aucun signe qu’elle eût jamais été habitée. Il se précipita dehors.

Le jeune homme traversa l’estrade à quatre pattes.

— Le soleil brillait haut dans le ciel et Loupal avait soif, poursuivit Galliadal. En se dirigeant vers la rivière, il eut l’impression étrange de voir les choses sous un angle différent, comme s’il était plus près du sol. Lorsqu’il arriva sur la berge, il sentit la froideur de l’eau sur ses pieds, comme s’il n’avait pas de chausses. Baissant les yeux, il découvrit non des pieds mais des pattes. Des pattes de loup.

« D’abord, il fut totalement dérouté puis il comprit : la vieille Zelandoni lui avait accordé exactement ce qu’il avait demandé. Il voulait devenir un chasseur-né, il en était un à présent. Il s’était changé en loup. Ce n’était pas ce qu’il avait souhaité en demandant à devenir un bon chasseur mais il était trop tard.

« Loupal regrettait tellement ce qui lui arrivait qu’il aurait volontiers pleuré mais il n’avait pas de larmes. Il resta un moment au bord de l’eau et, immobile, remarqua d’autres changements. Il avait l’ouïe plus fine et sentait des odeurs qu’il ne connaissait même pas auparavant. En humant l’air, il décelait la présence de nombreuses choses et d’autres animaux. Lorsqu’il repéra un lièvre blanc, il se rendit compte qu’il avait faim. Mais maintenant, il savait exactement comment faire pour le chasser. Bien que le lièvre fût rapide et capable de changer brusquement de direction, Loupal anticipa ses mouvements et le captura sans peine.

Cette partie du conte fit sourire Ayla. La plupart des gens croyaient que les loups et autres carnassiers savaient en naissant comment traquer et tuer une proie, mais elle était convaincue du contraire. Après avoir appris en secret à se servir de sa fronde, elle avait voulu franchir le pas suivant en chassant, mais la chasse était interdite aux femmes du Clan. De nombreux animaux volaient souvent à Brun la viande qu’il convoitait, en particulier des petits carnivores comme l’hermine et la fouine, le chat et le renard, ou d’autres chasseurs de plus grande taille tels le glouton, le lynx, le loup et la hyène. Ayla avait justifié sa décision d’enfreindre le tabou par la promesse de ne chasser que des carnivores nuisibles à son clan et de laisser aux hommes les gros pourvoyeurs de nourriture. Non seulement elle n’avait pas tardé à devenir bonne chasseuse mais elle avait aussi beaucoup appris sur les proies qu’elle s’était choisies. Elle avait passé des années à les observer et savait que si l’instinct de chasse était fort chez les carnivores les jeunes apprenaient tous à chasser avec les adultes. Elle ramena son attention sur le conte de Galliadal :

— Le goût du sang chaud coulant dans son gosier était délicieux et Loupal dévora le lièvre. Il retourna à la rivière boire et nettoyer le sang tachant son pelage, chercha ensuite un endroit sûr. Lorsqu’il en eut trouvé un, il se coucha en rond, couvrit son visage de sa queue et s’endormit. Quand il se réveilla, il faisait sombre mais il y voyait mieux la nuit qu’auparavant. Il s’étira, leva une patte et aspergea un buisson avant de repartir en chasse.

Sur l’estrade, le jeune homme mimait avec talent les mouvements du loup et les spectateurs éclatèrent de rire quand il leva la jambe.

— Loupal vécut quelque temps dans la grotte abandonnée par la vieille femme, se nourrissant des animaux qu’il tuait et prenant plaisir à la chasse, mais il finit par se sentir seul. Le garçon était devenu loup mais il était aussi resté un garçon et il se languissait des siens, de la belle jeune femme venue du sud. Il prit le chemin de la Caverne de sa mère en courant avec l’aisance d’un loup. Quand il repéra un faon égaré, il se rappela que la femme du Sud aimait manger de la viande et décida de chasser pour elle.

« Ceux qui le virent approcher eurent peur et se demandèrent pourquoi un loup se dirigeait vers eux en traînant un faon. Loupal vit la jolie jeune femme et ne remarqua pas le grand homme aux cheveux blonds qui se tenait à côté d’elle, avec à la main une nouvelle arme permettant de lancer des sagaies vite et loin, mais au moment où l’homme ramenait le bras en arrière Loupal laissa tomber le faon aux pieds de la femme. Puis il s’assit et leva les yeux vers elle. Il aurait voulu lui dire qu’il l’aimait mais il ne pouvait plus parler. Il ne pouvait montrer son amour que par son regard.

Tous les spectateurs se tournèrent vers Ayla et le loup étendu à ses pieds. Certains se mirent à rire, d’autres à frapper leur genou de leur main pour manifester leur plaisir. Bien que Galliadal n’eût pas eu l’intention d’arrêter là l’histoire, la réaction de son auditoire le convainquit que c’était une bonne fin.

Gênée d’être l’objet de tant d’attention, Ayla regarda Jondalar. Il souriait lui aussi et se frappait les genoux.

— C’est une bonne histoire, estima-t-il.

— Mais rien n’est vrai.

Il baissa les yeux sur Loup qui se levait et prenait une position protectrice devant Ayla.

— Ça au moins c’est vrai, dit-il. Un loup qui aime une femme.

Elle tendit le bras pour caresser l’animal.

— Je crois que tu as raison.

— La plupart des histoires des conteurs ne sont pas vraies, mais elles renferment souvent une vérité ou satisfont un désir d’avoir une réponse. Reconnais-le, c’est un merveilleux conte. Et à tous ceux qui ignorent que tu as recueilli Loup quand il était tout petit et seul dans sa tanière, après avoir perdu sa mère et toute sa meute, l’histoire de Galliadal donne une explication, même s’ils la soupçonnent de n’être probablement pas vraie.

Ayla regarda son compagnon, approuva de la tête et se tourna vers l’estrade où Galliadal et les autres se tenaient encore. Le conteur les salua en s’inclinant. Le public se levait et partait ; les conteurs descendirent de la plate-forme pour céder la place à d’autres et rejoignirent le groupe qui s’était formé autour d’Ayla et de Loup.

— L’apparition de ton animal a eu un effet incroyable, dit le jeune homme qui avait incarné Loupal. Il est arrivé juste quand il fallait. Cela n’aurait pas été mieux si nous l’avions organisé. Je suppose que tu n’accepterais pas de l’amener tous les soirs ?

Galliadal répondit pour Ayla :

— Je ne crois pas que ce serait une bonne idée, Zanacan. Si cela se répétait, l’effet ne serait pas aussi extraordinaire que ce soir. Et je sais qu’Ayla a d’autres choses à faire. Elle est mère, acolyte de la Première.

Le jeune homme s’empourpra, parut embarrassé.

— Tu as raison, bien sûr. Je m’excuse.

— Tu n’as pas à t’excuser, intervint Ayla. C’est vrai, j’ai trop de choses à faire et Loup n’apparaîtrait pas toujours au moment où vous le voudriez. Mais je souhaiterais en savoir plus sur la façon dont vous racontez vos histoires. Si cela ne dérange personne, j’aimerais venir vous voir répéter…

— J’adore ta façon de parler ! s’exclama Zanacan.

— Jamais je n’avais entendu un accent comme le tien, déclara la jeune femme.

— Tu dois venir de très loin, hasarda l’autre jeune homme.

Ayla se sentait généralement un peu mal à l’aise lorsqu’on mentionnait son accent, mais les trois jeunes gens semblaient si sincères qu’elle ne put que sourire.

— Elle vient de très loin, confirma Jondalar. Plus loin encore que tu ne peux l’imaginer.

— Nous serions ravis que tu viennes nous voir chaque fois que tu en auras envie, assura la jeune femme. Est-ce que cela t’ennuierait que nous essayions d’apprendre ta façon de parler ?

Elle se tourna vers Galliadal pour solliciter son approbation.

— Notre camp n’est pas toujours ouvert aux visiteurs, Gallara le sait, dit-il en regardant Ayla, mais nous serions effectivement heureux que tu nous rendes visite.

— Nous pourrions inventer un nouveau conte merveilleux, suggéra Zanacan, la voix toujours pleine d’excitation. L’histoire d’une femme qui vient de très loin, plus loin encore peut-être que le pays du soleil levant…

— Peut-être, le coupa Galliadal, mais je doute qu’il soit aussi merveilleux que la réalité.

Pour Ayla et Jondalar, il ajouta :

— Les enfants de mon foyer s’emballent parfois pour de nouvelles idées et vous leur en avez donné beaucoup.

— J’ignorais que Zanacan et Gallara étaient les enfants de ton foyer, dit Jondalar.

— Et Kaleshal aussi, précisa le conteur. Il est l’aîné. Nous devrions peut-être procéder aux présentations.

Les jeunes gens qui avaient incarné les personnages du conte parurent tout heureux de rencontrer les personnes réelles qui les avaient inspirés, en particulier lorsque Jondalar récita les noms et liens d’Ayla. Lorsqu’il en vint à l’endroit d’où elle venait, il apporta un léger changement :

— Elle était auparavant Ayla du Camp du Lion des Mamutoï, les Chasseurs de Mammouths qui vivent loin à l’est, au pays du soleil levant, adoptée comme fille du Foyer du Mammouth, ce qui correspond à leur Zelandonia. Choisie par l’Esprit du Lion des Cavernes, son totem, dont elle porte physiquement les marques, et Protégée par l’Esprit de l’Ours des Cavernes. Ayla est l’amie des chevaux Whinney et Rapide, ainsi que de la pouliche Grise, et elle est aimée du chasseur à quatre pattes qu’elle appelle Loup.

Zanacan écarquilla les yeux.

— Nous pourrions utiliser ça dans le nouveau conte ! dit-il. Les animaux. Pas exactement les mêmes, bien sûr, mais l’idée de foyers portant un nom d’animal, et de Cavernes aussi, peut-être, et les animaux avec lesquels elle voyage…

— Je vous l’ai dit, son histoire réelle est probablement meilleure que tout ce que nous pourrions inventer, les avertit Galliadal.

Ayla sourit à Zanacan.

— Aimeriez-vous être présentés à Loup, tous les trois ?

Les jeunes gens parurent sidérés et Zanacan écarquilla de nouveau les yeux.

— Comment est-ce possible ? Il a des noms et liens, lui aussi ?

— Pas exactement, répondit-elle. Nous, nous énumérons nos noms et liens pour faire mutuellement connaissance, n’est-ce pas ? Les loups découvrent une grande partie de leur monde par les odeurs. Si vous le laissez flairer votre main, il se souviendra de vous.

— Ce serait une bonne ou une mauvaise chose ? demanda Kaleshal.

— Si je te présente à lui, il te considérera comme un ami.

— Alors, faisons-le, résolut Gallara. Je ne voudrais pas être pour lui autre chose qu’une amie.

Lorsque Ayla prit la main de Zanacan et l’approcha des narines de Loup, elle sentit d’abord une légère résistance. Mais une fois que le jeune homme comprit qu’il ne lui arriverait rien, sa curiosité prit le dessus.

— Son nez est froid et humide, fit-il observer.

— Cela signifie qu’il est en bonne santé. Tu pensais qu’il serait comment ? Et sa fourrure ? Tu penses qu’elle est comment ?

Elle posa la main de Zanacan sur le cou puis sur le dos de Loup, renouvela le geste avec les deux autres jeunes gens.

— Sa fourrure est douce et rêche, son corps est chaud.

— Il est vivant. Les animaux vivants sont chauds, pour la plupart. Les oiseaux sont très chauds, les poissons froids, les serpents peuvent être l’un ou l’autre.

— Comment sais-tu autant de choses sur les animaux ? demanda Gallara.

Jondalar répondit à la place de sa compagne :

— Ayla est une chasseuse, elle a capturé presque toutes les sortes d’animaux. Elle est capable de tuer une hyène avec une pierre, d’attraper un poisson de ses mains nues. Elle attire les oiseaux en sifflant mais elle les laisse généralement repartir. Au printemps, elle a mené une chasse aux lions et en a tué au moins deux avec son lance-sagaie.

— Ce n’est pas moi, c’est Joharran qui a mené la chasse, rectifia-t-elle.

— Lui pense que c’est toi, insista Jondalar.

— Je croyais qu’elle était Zelandoni, pas chasseuse, dit Kaleshal.

— Elle n’est pas encore Zelandoni, précisa Galliadal. Elle est acolyte, mais je crois savoir qu’elle est déjà bonne guérisseuse.

— Comment a-t-elle accumulé un tel savoir ? demanda Kaleshal d’un ton dubitatif.

— Elle n’a pas eu le choix, elle a perdu tous les siens à cinq ans et elle a dû apprendre les usages des étrangers qui l’ont adoptée, expliqua Jondalar. Elle a ensuite vécu seule quelques années avant que je la trouve, ou qu’elle me trouve, devrais-je dire. J’avais été attaqué par un lion. Elle m’a sauvé, elle a soigné mes blessures. Lorsqu’on perd tout à un si jeune âge, il faut s’adapter et apprendre vite, sinon, on ne survit pas. Ayla est encore en vie parce qu’elle en a été capable.

Ayla gardait la tête baissée et caressait Loup en s’efforçant de ne pas entendre. Elle était toujours gênée lorsqu’on présentait ce qu’elle avait fait comme des exploits. Les autres devaient croire qu’elle se sentait importante et cela la mettait mal à l’aise. Elle ne se sentait pas importante et elle n’aimait pas qu’on la singularise. Elle était simplement une femme et une mère qui avait trouvé un homme à aimer et des gens semblables à elle dont la plupart l’avaient acceptée comme une des leurs. Naguère elle avait voulu être une femme du Clan, elle voulait maintenant être simplement une femme des Zelandonii.

Quelques instants plus tard, Levela apparut et annonça à Ayla :

— Des conteurs se préparent pour le conte suivant. Tu restes pour l’écouter ?

— Je ne crois pas. Jondalar a peut-être envie de rester, je vais lui demander. Moi, je reviendrai une autre fois. Tu restes, toi ?

— Je vais plutôt aller voir s’il y a encore quelque chose de bon à manger, répondit Levela. J’ai un peu faim, et je suis fatiguée, aussi. Je ne tarderai pas à rentrer.

— Je t’accompagne. Ensuite, il faudra que je passe reprendre Jonayla à ta sœur.

Ayla s’approcha de l’endroit où son compagnon et quelques autres bavardaient, attendit une pause dans la conversation pour demander à Jondalar :

— Tu restes pour écouter le conte suivant ?

— Qu’est-ce que tu veux faire, toi ?

— Je commence à être lasse, et Levela aussi. Nous rentrerons après avoir mangé un peu.

— Ça me va. Nous reviendrons voir les conteurs une autre fois. Jondecam vient aussi ?

— Je viens ! leur lança-t-il en se dirigeant vers eux. Où que vous alliez, je vous suis.

Ils quittèrent tous les quatre le camp des conteurs itinérants et gagnèrent l’endroit où on avait rassemblé les reliefs du festin. Tout était froid mais les tranches de venaison, bison et autres, même froides, étaient encore savoureuses. Des racines comestibles globulaires trempaient dans un bouillon auquel une fine couche de gras figé sur la surface ajoutait du goût. Le gras était relativement rare chez les animaux courant en liberté, et recherché : il était nécessaire pour survivre. Ils découvrirent, caché derrière des plats en os vides, un bol en fibre tressée contenant encore des baies rondes de couleur bleue, airelles et myrtilles, mêlées de busseroles et de groseilles, qu’ils se partagèrent avec plaisir. Ayla dénicha même deux os pour Loup.

Elle lui en donna un qu’il porta dans sa gueule jusqu’à ce qu’il trouve un endroit confortable où s’installer pour le ronger, près de sa meute. Ayla enveloppa l’autre – sur lequel il restait plus de viande – dans de larges feuilles dont on avait bordé un plat pour mieux présenter les mets. Puis elle le fourra dans la besace qu’elle utilisait pour porter notamment des affaires de Jonayla : un morceau de cuir brut que le bébé aimait mâchonner, des fibres douces et absorbantes comme de la laine de mouton qu’elle fourrait dans le vêtement de l’enfant, un bonnet et une couverture supplémentaires. Elle y mettait également son sac à feu – amadou et silex –, ses plats personnels et son couteau à manger. Ils s’installèrent sur des troncs d’arbres recouverts de coussins, manifestement traînés là pour qui voudrait s’asseoir.

— Je me demande s’il reste du vin de ma mère, dit Jondalar.

— Regardons, suggéra Jondecam.

Les convives n’en avaient pas laissé une goutte, mais Laramar s’empressa autour d’eux avec une outre de barma. Il remplit les coupes personnelles des deux hommes, les deux femmes déclarant qu’elles se contenteraient d’une gorgée prise à leur compagnon. Ayla ne tenait pas à bavarder longtemps avec le personnage. Au bout de quelques minutes, ils retournèrent aux troncs d’arbres disposés autour des reliefs du repas. Quand ils eurent terminé, ils gagnèrent d’un pas lent l’abri de Proleva, au camp de la Troisième Caverne.

— Vous rentrez tôt, remarqua-t-elle après avoir pressé sa joue contre la leur. Avez-vous vu Joharran ?

— Non, répondit Levela. Nous n’avons écouté qu’un seul conte. C’était plus ou moins l’histoire d’Ayla.

— De Loup, plutôt, corrigea Jondalar. Un garçon changé en loup qui aimait une femme.

— Jonayla dort, vous voulez boire une tisane ? proposa Proleva.

— Non, nous allons rentrer, répondit Ayla.

— Toi aussi ? dit Velima à Levela. Nous n’avons pas eu le temps de causer. Je veux que tu me dises comment se passe ta grossesse, comment tu te sens.

— Dormez donc ici cette nuit, dit Proleva, il y a de la place pour vous quatre. Et Jaradal serait ravi de voir Loup en se réveillant.

Levela et Jondecam acceptèrent. Le camp de la Deuxième Caverne était proche. L’idée de passer un moment avec sa mère et sa sœur plaisait à Levela et Jondecam n’y voyait pas d’inconvénient.

Ayla et Jondalar se regardèrent.

— Il faut vraiment que j’aille voir les chevaux, dit-elle. Nous sommes partis tôt et je ne sais pas si quelqu’un est resté au camp. Je veux simplement vérifier que tout va bien, surtout pour Grise. Elle pourrait tenter un chasseur à quatre pattes, même si Whinney et Rapide sont là pour la protéger. Je préfère rentrer.

— Je comprends. Elle est un peu comme ton bébé.

Ayla hocha la tête et sourit.

— Justement, il est où, mon bébé ?

— Jonayla dort avec Sethona. C’est bête de la réveiller, vous êtes sûrs que vous ne voulez pas rester ?

— Ce serait avec plaisir, répondit Jondalar, mais le problème, quand on a des chevaux pour amis, c’est qu’on se sent responsables d’eux, surtout s’ils se trouvent dans un enclos où peuvent pénétrer des mangeurs de viande. Ayla a raison, nous devons aller les voir.

Elle avait enveloppé son enfant dans sa couverture et l’avait calée sur sa hanche. Jonayla se réveilla mais se rendormit aussitôt dans la chaleur de sa mère.

— Merci de l’avoir gardée, dit Ayla. J’ai pu écouter et regarder le conte sans être dérangée.

— De rien, répondit Proleva. Les deux petites commencent à se connaître et à se faire des sourires, je crois qu’elles deviendront de grandes amies.

— C’est bien que des cousines proches passent du temps ensemble.

Ayla fit signe à Loup, qui récupéra son os, et le couple sortit de la hutte. Jondalar prit une des torches plantées dans le sol afin d’éclairer le sentier, la choisit assez longue pour qu’elle brûle jusqu’à ce qu’ils parviennent à leur camp.

Ils quittèrent la chaude lueur des feux du camp principal et s’engagèrent dans une obscurité si profonde qu’elle semblait absorber la lumière et avaler la flamme de la torche.

— Il n’y a pas de lune, ce soir, dit Ayla.

— Et des nuages cachent les étoiles.

— Des nuages ? Je ne les avais pas remarqués.

— Parce que tu avais les yeux pleins de la lumière du camp.

Ils firent quelques pas et Jondalar ajouta :

— Parfois, c’est de toi que mes yeux sont pleins et je regrette qu’il y ait tant de monde autour de nous.

Ayla tourna la tête vers son compagnon et lui sourit.

— Pendant notre voyage, quand nous n’étions qu’avec Whinney, Rapide et Loup, je ressentais souvent le manque d’autres personnes. Maintenant, nous avons de la compagnie mais je me souviens du temps où nous n’étions que toi et moi et où nous pouvions faire ce que nous voulions quand nous en avions envie.

— J’y pense aussi, dit Jondalar. Si te voir m’emplissait de désir, nous pouvions simplement faire halte et partager les Plaisirs. Je n’étais pas obligé d’accompagner Joharran pour rencontrer des gens, ou faire quelque chose pour notre mère. Il y a tellement de gens partout que je ne trouve plus d’endroit pour être seul avec toi.

— Je ressens la même chose. Je me souviens, je te regardais et j’éprouvais cette sensation que toi seul peux faire naître en moi, et je savais que si je t’adressais le bon signe tu me contenterais de nouveau parce que tu me connais mieux que moi-même. Et je n’avais pas à me soucier de prendre soin d’un bébé, ou de plusieurs en même temps, ou d’organiser un festin avec Proleva, ou d’aider Zelandoni à soigner un blessé ou un malade, ou d’apprendre à préparer de nouveaux remèdes, ou de me rappeler les Cinq Couleurs Sacrées, ou de savoir utiliser les mots à compter. Même si tout cela me plaît, tu me manques parfois, Jondalar, être seule avec toi me manque.

— Ce n’est pas Jonayla qui me gêne. J’aime te regarder t’occuper d’elle et quelquefois, cela me fait te désirer encore plus car je peux attendre qu’elle soit endormie. L’ennui, souvent, c’est que quelqu’un vient nous déranger.

Il s’arrêta pour l’embrasser tendrement puis ils se remirent à marcher en silence.

Le chemin n’était pas long mais, à l’approche du camp de la Neuvième Caverne, ils faillirent trébucher sur les restes d’un feu éteint. Il n’y avait de lumière nulle part, pas une seule braise en train de mourir, pas une lueur à l’intérieur d’une tente ni de rai passant entre les planches d’une hutte. Apparemment, tous les membres de la Caverne la plus nombreuse de la région étaient partis.

— Personne, fit Ayla, très étonnée. Ils doivent tous être au camp principal.

— Voici notre abri d’été, dit Jondalar. Du moins, je crois. Je vais faire un feu pour le réchauffer puis nous irons voir les chevaux.

Ils rentrèrent du bois et des bouses d’aurochs séchées, allumèrent un feu près de l’endroit où ils dormaient. Loup alla déposer son os le long d’une cloison tandis qu’Ayla palpait l’outre accrochée près du foyer.

— Il faudra aussi ramener de l’eau, il n’en reste plus beaucoup. Mais d’abord les chevaux. Ensuite je donnerai le sein à Jonayla, elle commence à remuer.

— Je ferais bien de prendre une autre torche, la nôtre s’éteindra bientôt, dit Jondalar. Demain, j’en préparerai quelques-unes.

Il alluma une nouvelle torche à l’ancienne, jeta ce qu’il restait de la première dans le feu. Lorsqu’ils sortirent de la hutte, Loup les suivit et Ayla l’entendit émettre un grondement quand ils approchèrent de l’enclos des chevaux.

— Il se passe quelque chose, s’alarma-t-elle en pressant le pas.

Jondalar leva la torche pour élargir le cercle de lumière qu’elle projetait. Presque au centre de l’enclos, ils virent une masse étrange et Loup gronda plus fort. Ils se rapprochèrent, découvrirent un pelage gris tacheté assez duveteux, une longue queue et une mare de sang.

— C’est un léopard, dit Ayla. Un jeune léopard des neiges, je crois. Piétiné à mort. Qu’est-ce qu’il faisait ici ? Ces animaux aiment la montagne.

Elle courut vers l’abri qu’ils avaient construit pour protéger les chevaux de la pluie mais il était vide.

— Whiiiinney ! Whiiinney ! appela-t-elle en un cri qui, pour Jondalar, était un véritable hennissement.

C’était le nom qu’elle avait donné à l’origine à la jument et qu’elle avait réduit à « Whinney » dans la langue des humains. Elle hennit de nouveau puis siffla très fort. Ils entendirent au loin un hennissement en réponse.

— Cherche Whinney, ordonna-t-elle à Loup.

L’animal s’élança en direction du cri, Ayla et Jondalar suivirent, sortirent par la brèche que les chevaux avaient faite dans la clôture pour s’échapper.

Ils les trouvèrent tous les trois près d’un ruisseau coulant derrière l’endroit où la Neuvième Caverne avait installé son camp. Loup fit halte, sans s’approcher d’eux davantage. Il sentait probablement qu’ils avaient eu très peur et que même leur ami carnassier leur semblerait menaçant en cet instant. Ayla se précipita vers Whinney et ralentit quand elle remarqua que la jument la regardait fixement, les oreilles dressées, en balançant légèrement la tête.

— Tu es encore effrayée, n’est-ce pas ? lui dit-elle doucement dans leur langue particulière. Je ne te le reproche pas. Je suis désolée de vous avoir laissés affronter seuls ce léopard, je suis désolée qu’il n’y ait eu personne pour entendre vos appels à l’aide.

Elle continua à avancer lentement jusqu’à ce qu’elle soit près de l’animal et elle enlaça de ses bras son cou vigoureux. La jument se calma, posa la tête contre l’épaule d’Ayla qui, de son côté, inclina la sienne dans la posture familière que la femme et l’animal adoptaient depuis les premiers temps, dans leur vallée, pour se réconforter.

Jondalar suivit l’exemple d’Ayla. Après avoir planté la torche dans le sol, il s’approcha de Rapide, le caressa et le gratta à ses endroits préférés. Grise rejoignit le groupe, téta un moment sa mère puis quémanda aussi des caresses d’Ayla. Ce fut seulement lorsqu’ils furent rassemblés tous les cinq – six en comptant Jonayla, qui s’était réveillée et se tortillait dans sa couverture – que Loup s’approcha.

Même si Whinney et Rapide l’avaient connu quand il n’était encore qu’un louveteau de quatre semaines et avaient aidé Ayla à l’élever, il émanait encore de lui une odeur de carnivore et ses cousins mangeurs de viande prenaient souvent des chevaux pour proies. Loup avait probablement senti l’odeur de leur peur et avait attendu qu’ils soient rassurés. Il fut accueilli chaleureusement par le groupe d’humains et de chevaux qui était la seule meute qu’il ait jamais connue.

Décidant alors que c’était son tour, Jonayla poussa un vagissement affamé. Ayla la tira de sa couverture et la tint devant elle pour qu’elle lâche son eau sur le sol. Quand elle eut terminé, elle la posa sur le dos de Grise, la maintint d’une main et dénuda un sein de l’autre. Bientôt l’enfant, de nouveau enveloppée dans la couverture, tétait joyeusement.

En rentrant, ils firent le tour de l’enclos en se disant que les chevaux n’y retourneraient jamais. Ayla se demandait s’il fallait en construire un autre. Pour le moment, elle n’avait aucune envie de les enfermer de nouveau et aurait volontiers donné les poteaux et les branches à qui les voulait, au moins pour faire du feu. Lorsqu’ils arrivèrent au camp, elle conduisit les chevaux à un endroit situé derrière leur hutte et peu fréquenté, où il poussait encore de l’herbe.

— On leur passe un licou et on les attache à un piquet ? proposa Jondalar. Pour les empêcher de s’éloigner.

— Whinney et Rapide se sentiraient mal de ne pas pouvoir aller et venir après la frayeur qu’ils ont éprouvée. Je pense qu’ils resteront près de nous à moins que quelque chose ne leur fasse de nouveau peur, et nous l’entendrions. Je laisserai Loup dehors pour les protéger, au moins cette nuit.

Elle s’approcha de l’animal et se pencha.

— Tu restes là pour garder Whinney, Rapide et Grise, dit-elle. Rester et garder.

Elle n’était pas sûre qu’il ait saisi mais quand il s’assit sur son train arrière et regarda les chevaux elle pensa que c’était probablement le cas. Elle prit l’os qu’elle avait emporté pour lui et le lui donna.

Dans la hutte, le petit feu s’était éteint depuis longtemps et ils en allumèrent un autre. Ayla remarqua alors que Jonayla ne s’était pas seulement vidée de son eau. Elle étala un petit tas de fibres de jonc absorbantes et posa dessus le derrière nu de l’enfant.

— Jondalar, tu veux bien m’apporter ce qui reste d’eau pour que je nettoie Jonayla ? Ensuite tu iras remplir les deux outres, la grosse et la petite.

— Elle empeste, cette coquine, dit son compagnon avec un sourire plein d’amour.

Il alla chercha le bol en osier qui servait à contenir des saletés diverses. On avait inséré sous le bord une cordelette teinte d’ocre rouge afin qu’on ne l’utilise pas par inadvertance pour boire de l’eau. Il l’apporta à Ayla et y mit l’eau qui restait dans la grosse outre presque vide, prit ensuite la petite, faite avec l’estomac d’un bouquetin, celui-là même qui avait fourni la peau pour la couverture à porter de Jonayla et le rideau de l’entrée. Il saisit une des torches entreposées dans la hutte, l’alluma au feu et sortit avec les deux outres.

Lorsqu’il revint, le bol rempli d’eau sale se trouvait à côté du panier de nuit près de la porte et Ayla donnait de nouveau le sein au bébé dans l’espoir de l’endormir.

— Je suppose que je dois aussi vider le bol et le panier de nuit, pendant que j’y suis, dit-il en plantant la torche allumée dans le sol.

— Si tu veux bien mais fais vite, répondit Ayla en lui adressant un sourire à la fois langoureux et mutin. Elle est presque endormie.

Jondalar sentit aussitôt une chaleur dans ses reins et lui rendit son sourire. Il accrocha la grosse outre à l’endroit habituel, une cheville fichée dans un des poteaux de la hutte, déposa l’autre près de l’endroit où ils dormaient.

— Tu as soif ? demanda-t-il en la regardant allaiter le bébé.

— Je veux bien un peu d’eau. J’avais envie de faire une infusion, mais ça attendra.

Jondalar lui donna à boire puis retourna à la porte. Il versa le contenu du bol dans le panier de nuit, reprit la torche et ressortit. Il vida le panier malodorant dans une des fosses servant de latrines. Se débarrasser des excréments était une corvée que personne n’aimait. Il alla ensuite à la rivière, descendit un moment la berge pour s’éloigner de l’endroit choisi comme point d’eau. Il rinça le bol et le panier puis, avec une omoplate d’animal au bord aminci servant de pelle et laissée là à cette fin, il remplit à moitié le panier de terre. Avec du sable propre pris sur la rive il se frotta soigneusement les mains. Enfin, reprenant la torche, le panier et le bol, il retourna à la hutte.

Il rangea le panier à sa place habituelle, posa le bol à côté et glissa la torche allumée dans un support installé près de l’entrée.

— C’est fait, dit-il en souriant à Ayla, qui tenait encore le bébé dans ses bras.

Il enleva d’un coup de pied les sandales en herbe tressée qu’il portait généralement l’été, s’assit à côté de sa compagne et s’appuya sur un coude.

— La prochaine fois, ce sera le tour de quelqu’un d’autre, promit-elle.

— L’eau était froide.

Elle lui prit les mains et répondit :

— Tes mains le sont aussi. Je vais devoir les réchauffer, ajouta-t-elle d’un ton suggestif.

Il la regarda au fond des yeux, ses pupilles dilatées par l’obscurité de la hutte et le désir.

Le Pays Des Grottes Sacrées
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